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La Suisse s’apprête à bousculer le financement de son économie

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referendum sur creation monetaire suisse
referendum sur creation monetaire suisse
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La Suisse est peut-être sur le point de connaître une révolution économique. Les habitants helvétiques vont être appelés à s’exprimer pour confier à la Banque nationale suisse (BNS), l’équivalent local de la Banque centrale européenne, le monopole de la création monétaire.

Que serait la Suisse sans son chocolat, ses montres, ses stars émigrées et ses referendums. Qu’ils soient obligatoires, pour modifier la constitution, ou facultatifs, lancés à l’initiative de citoyens en colère, les Suisses adorent l’isoloir. Après celui sur les minarets, sur les quotas d’immigration, sur les réserves d’or dans les caisses de la BNS et sur la fiscalité, ils s’apprêtent à s’exprimer sur un thème plus économique : « Comment se passer des banques ? ». Oui, oui, certains suisses aspirent à un monde sans banque… enfin pas pour tout. Explications.

Le 24 décembre dernier, la chancellerie suisse a officiellement validé l’initiative « monnaie pleine » qui vise à donner à la Banque nationale suisse (BNS) le monopole total de la création monétaire. Pas de panique, on vous expliquera un peu plus tard ce que c’est ! Cette initiative, lancée il y a plus d’un an a été appuyée par plus de 111 000 signatures. 100 000 étaient nécessaires pour lancer un referendum.

La création de monnaie appartient aux banques

Par création monétaire, on entend deux choses. Premièrement, les pièces et les billets de banques (appelés monnaie fiduciaire). La quantité émise est totalement contrôlée par la Banque centrale (la banque des banques). Deuxièmement, la monnaie scripturale, c’est une monnaie non palpable, une simple ligne de crédit sur votre compte en banque, dont le monopole d’émission est détenu par les banques commerciales (BNP Paribas, Société Générale, Crédit Mutuel etc.). Une banque crée de la monnaie scripturale lorsqu’elle vous octroie un prêt. Vous avez de l’argent en plus, sans que la banque détienne l’équivalent en pièces et billets dans ses réserves.

La BNS, comme la Banque centrale européenne (BCE), contrôle totalement l’impression des billets en circulation mais que très indirectement – via des ratios de réserve imposés aux banques – la création de la monnaie scripturale.

Or, vous commencez à l’entrevoir, c’est cette monnaie « virtuelle » qui fait tourner l’activité économique, qui permet aux entreprises de financer des investissements, qui vous permet d’acheter votre logement.

C’est une absurdité pour les signataires de la pétition suisse que de laisser ce rôle crucial aux intérêts privés des banques. « La Banque centrale dispose d’une vision globale de l’économie de meilleure qualité que chacune des banques qui agissent avec une vision commerciale propre », explique ainsi Reinhol Harringer, le porte-parole du mouvement « monnaie pleine ».

Pour garantir le bon déroulé du financement des particuliers et des entreprises en Suisse, les auteurs de l’initiative entendent donc confier à la BNS non seulement l’émission de la monnaie physique, mais aussi la monnaie scripturale.

Comment reprendre la main sur les banques ?

Très bien, imaginons que la BNS soit seule habilitée à créer de la monnaie. Mais ensuite, comment la redistribuer aux Suisses ? En se substituant aux agences bancaires et en octroyant elle-même des prêts ? Pourquoi pas !

L’initiative helvète prévoit trois façons de distribuer l’argent créé par la Banque centrale :

  • La BNS perdrait son statut d’indépendance vis-à-vis du gouvernement et financerait les caisses publiques de la Confédération et des Cantons suisses

Ce rôle de banquier de l’État vous paraît peut-être étrange, mais en France c’était l’une des missions de la Banque de France jusqu’en 1993, date à laquelle l’institution est devenue indépendante afin de garantir la stabilité des prix.

Pour Reinhol Harringer, son statut d’indépendance ne serait pas perdu. La BNS aura un « mandat légal clair » et « pourra agir en toute indépendance », tout en devant « rendre des comptes à l’opinion publique. », explique-t-il. Concrètement, la BNS ne fournira pas tout l’argent dont aura besoin les budgets publics, mais choisira les sommes à attribuer.

  • La BNS prêterait directement aux ménages

La Banque centrale se substituerait donc aux banques commerciales pour accorder des crédits aux entreprises et aux particuliers afin de contrôler de façon très précise l’activité économique, un « QE pour les gens », imagine Reinhol Harringer.

Pour info, en Europe, le fameux « quantitative easing » (QE ou expansion monétaire) n’a pas pour vocation de financer les ménages. La BCE ne prête pas aux particuliers, mais rachète essentiellement des obligations d’État (des OAT français, des Bunds allemands etc.). Ceci dans le but de maintenir leurs taux bas et d’inciter les investisseurs à prendre davantage de risque en détenant des titres d’entreprises (et ainsi financer et soutenir l’activité économique).

  • La BNS dicterait la quantité de crédit que les banques commerciales octroient.

Dernier moyen d’alimenter l’économie, via les banques elles-mêmes. Mais cette fois les banques ne pourront prêter que l’argent qu’elles auront au préalable emprunté à la Banque centrale.

De telles opérations, appelées « de refinancement » existent déjà, mais pas à une telle échelle. La BNS empêcherait ainsi toute overdose de crédits octroyés, sans toutefois avoir la main sur les taux d’intérêts appliqués par les banques à leurs clients.

Une initiative intéressante parce que porteuse de possibles grands changements, en fonction des votes des Suisses et de la traduction politique qu’il sera fait des idées proposées.

À l’heure actuelle, aucune date pour le referendum n’a été fixée. Pour être accepté, non seulement il devra remporter la majorité des votes mais aussi l’adhésion d’au moins 12 cantons sur les 23 de la Confédération suisse.

 

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